dimanche 8 mai 2016

Le jour où j'ai fait chanter "Maître Gims" à ma chorale


Tous les mardis soir à 20h je suis à Noyen Sur Sarthe pour faire chanter une petite vingtaine de choristes, les "Chantoyants" qu'ils s'appellent.
Ils ont entre 30 et 77 ans, ils sont gentils, bavards, ils sentent bon, ils chantent fort, avec le cœur, ils sont contents d'être là, joyeux, à l'écoute ou pas, ils font des blagues, drôles, ou pas, ils font des gâteaux, bons...Toujours bons. Ils n'aiment pas chanter en anglais, ils aiment Jean Ferrat, Johnny Haliday, Jacques Brel, Goldman....
Je leur fais chanter tout ce qu'ils aiment et je leur fais aussi découvrir des artistes moins connus,  Florent Marchet, Alexis HK, Juliette, Emily Loizeau...

Le truc c'est qu'ils aiment aussi Michel Sardou et Maître Gims.

...

Moi pas.
Mais alors vraiment pas.

Régulièrement ils reviennent à la charge, "allez Lola, Sardou c'est des belles chansons et Maitre Gims, c'est dansant, allez!"

Mais je leur dis non, je leur dis que c'est ma limite émotionnelle, que je ne peux pas, que c'est trop dur pour moi, comprenez, je fais moi-même les arrangements de nos chansons, alors je dois les écouter plusieurs fois...en boucle...SARDOU ET MAITRE GIMS EN BOUCLE!
Pensez à mes oreilles, pensez à mon cerveau qui risque de se liquéfier...je ne peux pas....je ne peux pas...JE NE PEUX PAS SUPPORTER CA!!!
Je finis par mettre mon veto ! "Moi vivante, Sardou et Gims ne passeront pas par nous!!"


Et le mardi 26 avril 2016 patatra.


Une semaine avant je réitérais mon veto.
Et là J'arrive avec "Hasta luego" de maître Gims.
Je l'ai écouté en boucle.
Je l'ai respiré profondément.
J'ai fait un arrangement vocal pas trop mal.
J'ai survécu.
Et je leur ai apporté.


Mais qu'est-ce qui a bien pu me faire changer d'avis?
Un choc les amis, rien de moins qu'un choc qui a chamboulé toute ma tête et mon petit cœur.

En voici le récit,  les noms des protagonistes ont été changés.

Depuis ma sortie de l'émission télévisée "The Voice", j'ai très envie de chanter dans des endroits chaleureux, généreux, insolites et proches des gens.
En réaction au côté artificiel de la télévision ? Peut-être mais je ne l'ai pas mal vécu donc je ne pense pas, c'était le jeu, je le savais. Je crois plutôt que tous les messages que j'ai reçus m'ont donné envie d'y mettre du sens et que pour moi le meilleur moyen est d'aller dans des endroits proches des gens, des endroits dans lesquels je peux mettre un peu de mon âme.

J'ai eu la chance avec The ShougaShack il y a quelques temps d'aller jouer dans un tel lieu.
Une maison incroyable en pleine cambrousse, une colocation de gens ouverts, tous un peu/beaucoup artistes, un peu/beaucoup perchés, avec un idéal de vie qu'ils essaient de mettre en pratique. Ces gens ne rêvent pas, ils agissent et ça fait du bien.
Nous avons fait chez eux une résidence artistique et quelques mois plus tard nous avons fait un concert au chapeau (comprenez rémunéré par ce que les gens veulent bien mettre dans un chapeau).
Une quarantaine de personnes de tout âge est venue. Et du coup, on a tous eu l'impression d'être privilégiés, eux comme nous. Vous pouvez même voir les pieds du public dans notre clip "Sugar Shack" , tellement on était tous heureux, contents, c'était un moment hors du temps.
Nous sommes ressortis de là absolument ravies, aux anges.
Entre deux embrassades nous nous sommes dits que nous reviendrions avec le plus grand des plaisirs. 
De leur côté ils nous ont assurés que nous serions toujours les bienvenues.


J'avais très envie de recommencer l'expérience mais cette fois avec mes propres chansons, sous mon propre nom.
J'envoie un message à celui que je connais le mieux : Jean-Kevin (j'ai changé les noms, je vous dis!).
Je lui explique ma position, mon envie, concert toujours au chapeau, pas de chichis, on se parle au téléphone, il est emballé, il pense que ça peut être très sympa. Il me dit qu'il va en parler aux membres du désormais "collectif". Le "collectif du pâté en croûte".
Je raccroche, je suis ravie.

Je contacte les musiciens qui m'accompagnent et j'essaie de voir avec eux une date où tout le monde est disponible. Je leur assure un cachet d'artiste que je prendrai en charge quoiqu'il se passe. J'envoie dans la foulée un message à Jean-Kevin. Il me dit que c'est très bien et qu'il me recontacte dès que possible.

Ok.
Donc j'attends.

Un jour, deux jours.
Une semaine.
Deux semaines.

Je recontacte Jean-Kevin.
A-t-il pu voir avec les membres du collectif?

Il me dit qu'ils ont plein de trucs à régler d'abord mais que promis ils en discutent très vite.

J'attends.
Un jour, deux jours.
Une semaine.
Deux semaines.
Trois semaines.

Là je me dis qu'en fait ils n'osent pas me dire qu'ils n'aiment pas trop mes chansons. Ça arrive, c'est un peu beaucoup vexant, mais ça arrive.

Et puis je fini par recevoir une réponse.

Les amis, quand j'ai lu la réponse, mon cœur s'est mis à battre très fort, mon sang est parti de mes doigts, mes oreilles ont bourdonné et ma gorge s'est nouée. (j'ai aussi un peu pleuré...)

Le collectif du pâté en croûte déclarait aimer mon travail. Mais que malheureusement, compte tenu du mode de scrutin nécessitant l'unanimité, ils ne pouvaient pas me recevoir. En effet, je ne faisais pas l'unanimité. Certains étaient contents de me recevoir, point. D'autres trouvaient intéressant de surfer sur "The Voice" pour se faire de la pub, certains étaient indécis et d'autres  totalement opposés. Ma participation à ce genre d'émission pouvait ternir l'image de leur collectif. Conclusion ma venue n'était pas possible.

Signé Jean-Potin, pas très fier, pour le collectif du pâté en croûte.


Je suis restée là devant mon pc  à me demander si j'avais bien lu.

Je leur envoie "j'en reste sans voix."

puis je relis...
et relis encore...
Quid de ce que nous avons vécu ensemble? Quid de "vous serez toujours les bienvenues"?
J'essaie de me calmer...
Quelques jours avant je m'étais engagée solennellement à ne plus envoyer d'email alors que la colère est en moi...

...

Je respire.

...

BORDEL
"tant d'impolitesse.
tant d'incorrection.
tant de snobisme.
pourquoi suis-je venue au juste la première fois?

Comment ai-je pu seulement bien me sentir parmi vous?

Je ne reviendrai pas au pâté en croûte. Jamais.
Vous ne correspondez pas à l'idée que j'ai de la générosité et de la bienveillance
que je pensais au départ avoir trouvé chez vous.
Bonne route à vous au milieu de gens bien comme il faut qui ne vous tâcheront pas. "

Allez, paf, Envoyer!!!! BORDEL


Je reçois une réponse de Jean-Potin qui est tellement désolé (lui voulait que je vienne)

Puis je reçois une réponse de Jean-Croûte.

Jean-Croûte avoue que c'est lui qui a opposé un vote bloquant. Il trouve que ma réaction n'est pas très sympathique envers ses amis.
Jean-Croûte ne comprend pas ce qu'il m'a pris d'aller dans une telle émission, Participer à ce genre d'émission lui apparaît comme une trahison et une facilité. Il a horreur des valeurs véhiculés par TF1et Il doute franchement de leur bienfait dans une carrière. Surtout dans le monde sans pitié de la musique. Il a l'impression plutôt que les gens passés dedans sont marqués au fer rouge, par la suite, et laissés à leur sort, après avoir été utilisés.

Du coup Jean-Croûte a décidé, au moment du vote, que ne pas me recevoir était la meilleure solution.

Ce que Jean-Croûte ne sait pas (Hormis le fait que Shine la production de The Voice a été mille fois plus respectueuse de qui je suis que lui.) c'est qu'il est le seul à avoir été sans pitié, le seul à m'avoir marquée au fer rouge. L'unique, le seul... Ou peut-être bien le premier, hein, on ne sait pas ce que l'avenir nous réserve.
Bon, les amis, je ne suis pas conne, hein, je me doutais bien que ça arriverait ce genre de chose, je ne me doutais juste pas que les premiers seraient des gens avec qui je pensais avoir établi une relation basée sur la générosité et l'ouverture d'esprit.

C'est en fait un cas d'école. C'est extrêmement intéressant de voir qu'un collectif qui dans un soucis de bien-être général s’essaie à la "démocratie", arrive à un point où la personne la plus fermée, celle dont la décision est motivée par le rejet, la peur et la méfiance, bloque le vote de sorte que la majorité écrasante formée par les personnes les plus ouvertes, ferme, malgré elle, sa porte à une tiers personne qu'elle accueillait à bras ouverts quelques mois auparavant.


Bon finalement cette décision sans appel est devenue "provisoire",  et la démocracie du pâté en croûte, qui dans le fond n'est pas mauvaise, s'est demandée si ça n'était pas allé trop loin et si ça n'avait pas dépassé leur réelle volonté...
Mais le mal évidemment était fait.
Comme dit si bien mon chéri, "C'est pas quand on a chié qu'il faut serrer les fesses"

...
...


Bref, ce sujet est passionnant.
Vraiment.

Mais le temps passe et nous devons revenir au titre de mon article.
 Le jour où j'ai fait chanter "Maître Gims" à ma chorale.
Et bien les amis, ce jour est celui où je me suis rendue compte que j'étais le Maître Gims d'une autre personne.

Et c'était pas agréable.
Vraiment pas.

Alors j'ai décidé de ne plus être snob. Qui suis-je pour décider du bon goût? Qui suis-je pour juger ce que mes p'tits choristes adorés ont envie de chanter? 
Si ça les amuse. S'ils sont heureux.
Et je vous jure que quand j'ai distribué les paroles, ils étaient surpris et très heureux.


Alors non ça ne plaît pas à tout le monde dans cette chorale, il y en a qui n'aiment pas, mais ils n'imposent pas aux autres de ne pas faire cette chanson, ils la chantent quand même, pour faire plaisir à tout le monde. Parce qu'ils savent que les autres leur rendront la pareille à un autre moment... Chacun son tour, des chansons pour tout le monde, parce qu'on est ensemble et que c'est pas si grave, c'est d'la chanson quoi, juste de la musique qui nous rassemble, l'important c'est qu'on soit ensemble.


 La prochaine chanson je leur imposerai du Dominique A!!!!!! Ah ah ah !! :-)

Alors tant pis pour la démocratie du Collectif du pâté en croûte, je préfère celle de cette petite chorale de Noyen Sur Sarthe où tout le monde est accueilli.




PS : Bon....Sardou, je n'y arrive toujours pas.
J'ai encore un blocage.
Mais un jour je me prendrai une autre baffe hein, je serai la Sardou d'un Jean-Poilauk et là je leur ferai chanter "Je viens du Sud".
Gardez Espoir ma petite chorale.